L’arbre de la Liberté
Autour de mon grand père, on parlait parfois des femmes tondues à la Libération.
Des voisines pour moi anonymes.
La guerre : ils en parlaient sans cesse. Et des dix hommes qui chaque semaine se rendaient otages, la trouille au ventre, dans les caves glacées de la Kommandantur.
La Libération je connaissais, ils en parlaient souvent, j’avais des images : la sortie du trou noir, de la vache enragée et du rutabaga, des alertes de nuit et des tickets de pain et puis les aviateurs américains qui fanfaronnaient dans la ville.
Mais la tonte des femmes, je ne comprenais pas.
A mes questions on me répondait gêné : c’était « parce que elles avaient été avec les Allemands ».
Les Allemands je connaissais, c’était l’ennemi, le méchant loup en quelque sorte.
Comme j’insistais on m’expliquait que les maris étaient prisonniers et que les soldats allemands étaient eux aussi séparés de leurs femmes, mais je ne voyais pas bien le rapport…
J’étais petit.
Mais alors si les allemands étaient partis qui tondaient les femmes ?
« Ça c’est les gars du maquis ».
Et lourd silence.
Et mon père de rajouter « il n’y a pas eu que du joli à la libération ».
Et il parlait d’un dénommé Chalons surnommé l’exécuteur des basses œuvres.
Je suis allé par la suite à l’école avec son fils.
Et ils changeaient de sujet….
Plus tard, j’ai revu depuis les images terribles de ces pauvres faces blêmes en pleurs apeurées du rire ignoble de ces idiots hilares.
Trimbalées, exhibées, honteuses.
Elles avaient du rêver de ces beaux blonds bien élevés et polis.
Ils sont partis un jour, loin vers l’est, pour le froid de l’enfer.
Elles se retrouvent seules face à la vengeance, certainement violées en douce par les libérateurs…
En attendant le coiffeur.
Et roulent les tambours, les clairons.
Dans le rire du vin blanc et de l’accordéon.
Farandoles et lampions.
Année de réalisation : 2000